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François Coppée commença
employé de bureau au ministère de Guerre et finit
académicien, antidreyfusard et revanchard, et Président
d’honneur de la Ligue de la Patrie Française. Les contes sociaux
ou sentimentaux en vers qui firent sa gloire nous semblent aujourd’hui,
pour la plupart, terriblement lestés par les bons sentiments. Sa
prosodie est à mille lieux des recherches formelles qui
faisaient alors les délices des salons symbolistes – une forme
modeste et des alexandrins mesurés sur les doigts :
Et chantons notre gamme en notes bien égales,
À l'instar de Monsieur Coppée et des cigales.
(Paul Verlaine)
Son style, « clair comme l'aurore » selon
ses mots, n’est pas de ceux qui brillent ou étonnent : son usage
du vocabulaire courant, son prosaïsme, ont nourri les sarcasmes
d’une génération de poètes. On prétend
qu’Anatole France, lisant sur une couronne mortuaire : « Offert par les joueurs de boules de Neuilly », aurait dit : « Tiens ! Un vers de Coppée ».
Pourtant, paradoxalement, ce refus de la « grande poésie
», ce goût pour le quotidien, le rapprochent de notre
sensibilité, et dans cette manière, spécialement
dans les « dizains », son mètre de
prédilection (il faut lire en particulier ses Promenades et intérieurs),
il approche parfois une sorte de perfection. Sa poésie s’inscrit
dans une voie narrative qui, malgré les grands noms qui l’ont
illustrée, en France et à l’étranger, a
été largement occultée par d’autres pratiques de
la poésie. Aujourd’hui, où certains poètes tentent
de renouer avec la société un lien terriblement distendu,
il n’est sans doute pas inutile de relire, en dépit de ses
limites, cette œuvre qui avait disparue de l’édition.
Coppée est et restera le flâneur de Paris et de ses
faubourgs. Sa réussite, lorsqu’il domine son penchant pour les
leçons de morale, est dans le regard aigu et bienveillant qu’il
porte sur ceux qu’il rencontre au hasard des rues, les plus humbles
gens surtout, qu’il restitue en des scènes populaires qui
rappellent celles que les impressionnistes peignaient alors dans les
mêmes lieux. De tout ce petit peuple qui traverse ses
récits en vers, ouvriers, soldats, marchandes de journaux et de
fleurs, homme-sandwich, couturières, il écrit:
Les humbles, les vaincus résignés de la vie
Restent mes préférés toujours…
Cette sélection donne l’essentiel des
poèmes du Coppée qui nous touche aujourd’hui, ce
flâneur sentimental dessinant, au gré de ses promenades,
des croquis tendres ou mélancoliques où la tentation de
la mise en scène s’efface devant le souci de la
vérité. Pour ne pas trahir l’homme et l’époque,
cette anthologie présente aussi un échantillon des longs
romans en vers qui lui valurent la reconnaissance ("La grève des
forgerons") et quelques poèmes de sa dernière veine,
où le rêveur athée, devenu catholique
véhément, défend l’Église et la Patrie – en
des vers qui rendent bien l'atmosphère échauffée
du temps.
Enfin, on trouvera en fin de volume une sélection des dizains réalistes et autres vieux Coppées
qu’une génération de poètes insolents (Verlaine,
Rimbaud, Cros, Nouveau) s'amusait à composer pour se moquer du
poète de la réalité quotidienne et des humbles
gens.
Gérard Cartier
- nov. 2010
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