Issue 21. L'Affiche contemporaine : Discours, supports, stratégies

La littérature affichée dans le métro : page à lire, page à voir

Author: Anneliese Depoux
Published: March 2008

Abstract (E):

 Historically and in recent years, the poster has been associated with literature – an association which however raises the question of its own limits. Our discussion proceeds from this problematic perspective whilst adding a “communicational” questioning to the literary one – i.e. an examination which goes beyond the purely symbolic by including technical, social and media elements. Despite this particular angle, our aim is not to deny the specificity of literature – quite the opposite. We aim to broaden the literary study by observing the various ways in which the literary becomes materialised and even trivialised. In the case at stake here, the poster and the métro , two perspectives are interwoven: the marked presence of these objects in a relatively recent French novel ; and conversely (or in parallel) the development of literature in the underground, which thus became an exhibition space.

Our three texts aim at investigating these two perspectives by focusing more specifically on the poster as an object which pertains to both the media and the literary spheres. An almost traditional object of communication, it quotes literature in a specific and original way through its own economic, social and editorial system. Thus Olivier Aïm will start his study of the media dimension of the poster in the Parisian métro with a more general, editorial approach. Anneliese Depoux will then propose a study of the mediation of literature through its posters and demonstrate how this mediation proceeds from circulation, hybridization and patrimonialisation . Finally, Adeline Wrona will invite us to return to the novel in order to explore the déjà-là (already there) of the scriptural and media dimension of the underground.

Abstract (F):
L'affiche a non seulement une histoire mais encore une actualité qui désignent la littérature comme un champ tout en posant la question de ses frontières… Notre point de vue procède de cet horizon problématique tout en doublant le questionnement littéraire par un questionnement « communicationnel », c'est-à-dire un questionnement qui s'arrête aussi sur les coordonnées autres que purement symboliques : techniques, sociales et médiatiques. Par ce renversement, il ne s'agit pas, pour autant, de nier ni d'escamoter le littéraire ; bien au contraire, il s'agit pour nous de prolonger l'étude littéraire dans l'observation de ses multiples incarnations, matérialisations, concrétisations, bref en ses diverses trivialisations. Ainsi, dans le cas qui nous intéresse ici, l'affiche et le métro, il s'agirait de croiser deux observations simples : la forte présence de ces objets dans un roman français plus ou moins récent ; et inversement (ou parallèlement), la multiplication du littéraire au sein du métro, comme lieu d'exposition.

Nos trois textes visent à creuser cette « double articulation » en s'arrêtant plus précisément sur cet objet médiatique et littéraire (et donc en cela « pivotal ») que constitue l'affiche. Objet « communicationnel » presque classique, il cite le littéraire de manière spécifique et originale à travers son propre dispositif économique, social et éditorial. C'est pourquoi, dans un premier temps, plus général, Olivier Aïm amorcera l'étude de la dimension médiatique de l'affiche de métro dans une approche de type éditorial ; après quoi, Anneliese Depoux proposera un resserrement sur la médiation du littéraire par ses affiches : entre processus de circulation, d'hybridation et de patrimonialisation. Dans un dernier temps, c'est Adeline Wrona qui invitera à un retour aux textes romanesques pour appréhender le déjà-là de la dimension scripturale et médiatique du métro…

keywords: photography, advertising, ‘street art'

To cite this article:
Depoux, A. La littérature affichée dans le métro : page à lire, page à voir. Image [&] Narrative [e-journal], 21 (2008).
Available: http://www.imageandnarrative.be/affiche_contemporaine/depoux.htm

Article : 

L'espace littéraire déborde le cadre strict de l'objet-livre ; sous des formes diverses, il se fragmente et se dissémine dans l'espace social. L'affiche présentant des textes littéraires dans le métro en est l'une des manifestations récentes les plus visibles.

Depuis 1993, la RATP propose aux usagers du métro parisien la lecture de poèmes affichés sur les quais et dans les rames, textes en vers ou poèmes dramatiques, dans leur intégralité ou sous forme de fragments selon le format choisi. Deux poètes, Francis Combe et Gérard Cartier, sont à l'initiative de cette aventure littéraire. Sur les quais, les poèmes se donnent à voir et à lire au format d'une affiche 62 x 100 cm. Dans les rames de métro, il s'agit de petites planches rectangulaires auxquelles la RATP a donné le nom de « pendentif ».

Cette présence « triviale » prend une forte valeur symbolique et pose, dans ce jeu complexe qui lie le texte à un support et à un lecteur-usager, la question de son statut. Ce geste d'exposition de la littérature donne ainsi au texte un caractère hybride. L'objet textuel prend place dans un paratexte original qui lui donne une nouvelle portée.

Texte à lire, il est aussi un texte à voir, suffisamment « présent » pour capter le regard de l'usager. Nous nous proposons donc d'analyser un large corpus d'affiches « littéraires » pour dégager la spécificité de la littérature dès lors qu'elle investit un espace urbain comme le métro.

Un autre objet, si familier pourtant…

Livré à tous les regards, offert à tous, le texte littéraire n'est plus cet objet familier qu'on a l'habitude de manipuler, feuilleter, gribouiller peut-être. C'est comme une page arrachée qu'on aurait placardée après avoir pris soin de l'agrandir. Il y a quelque chose de tout à fait insolite dans le fait de lire un fragment littéraire collé au mur, présenté dans une vitrine au format d'une affiche.

Alors, si nous avons bel et bien affaire à des affiches, l'affiche « littéraire », telle qu'elle a été conçue par la RATP, déjoue les codes traditionnels et rompt avec les formes préétablies telles que l'affiche publicitaire ou l'affiche à visée informationnelle, pour ne prendre que ces exemples.

La RATP propose donc ici un type d'affiche d'un genre nouveau (pour le métro en tout cas) ; laquelle renvoie à une rhétorique autre que celle de l'affiche – et c'est ce point qui constituera le point d'ancrage de notre étude. Il s'agit en effet d'analyser les multiples facettes de cet objet hybride.

Lire dans le métro

Aux antipodes de l'espace de lecture solitaire que représente la chambre ou la bibliothèque personnelle, le quai de métro est à bien des moments de la journée un lieu de passage, bruyant, peuplé d'inconnus. Pourtant les quais du métro parisien se sont transformés en cabinet de lecture. Lieu singulier où on lit debout comme on examinerait un tableau dans un musée. Cette posture contrainte invite à la contemplation. C'est la silhouette d'un fragment littéraire qui s'offre au premier regard. Accéder à la lettre du texte suppose alors de faire un pas vers l'affiche pour que de visible, elle devienne lisible.

Lire une affiche-poème, c'est donc s'exposer aux regards des autres, s'exhiber le temps de sa lecture, « s'afficher ».

Du décalage au contrepoint

Introduire la littérature dans le métro n'est certainement pas un geste anodin. Pourtant sa présence ne semble pas détonner dans ce paysage urbain ; les affiches se fondent dans ce décor de signes. Souvent placés à l'extrémité des quais, comme pour ménager une certaine intimité de lecture, les poèmes ont trouvé une place dont les usagers ne semblent pas s'étonner.

Cette accommodation relève des choix éditoriaux arrêtés par la RATP. Le dispositif qui organise ce type d'affiche est minimaliste, presque lapidaire. Le texte poétique s'offre au voyageur sans discours d'escorte. La présence du locuteur est discrète, effacée, implicite. La RATP n'interpelle pas son destinataire comme elle le fait pour d'autres types d'affiches (« la RATP vous transporte »). Cette ellipse ne laisse pas le lecteur dans le mystère. L'affiche n'est pas sans signature. En absence d'adresse explicite, le logo constitue un signe énonciatif fort, il désigne l'institution.

Affiché dans le métro, le texte s'expose à l'usager dans un cadre fixe qui le met à distance. Pourtant s'il reste familier, c'est sans doute parce que l'affiche véhicule des représentations et une certaine idéologie du littéraire qui appartiennent à l'imaginaire de chaque lecteur. De la page d'anthologie à celle d'un manuel scolaire, l'affiche renvoie à des pratiques lectorales très codifiées.

L'affiche littéraire : une page de manuel scolaire ou d'anthologie

Telle qu'elle a été conçue par les initiateurs de cette opération, l'affiche littéraire ne reprend pas les codes de l'affiche publicitaire ; au contraire, dans cet univers saturé d'images qu'est le métro, il est apparu nécessaire aux concepteurs de jouer sur les effets de contraste pour ne pas noyer le texte.

Le choix d'une mise en page déjà connue est habile, il facilite la lecture. On retrouve en effet sur ces affiches les indices éditoriaux qui nous autorisent à formuler cette hypothèse. La RATP emploie avec rigueur les règles qui concernent la citation : renvoi précis à l'ouvrage cité, titre en italique, nom de l'éditeur précédé du signe copyright, etc. Le régime de citation se trouve ici lui-même cité.

Sur la gauche, sur toute la longueur verticale de l'affiche, on trouve un bandeau coloré à l'intérieur duquel se trouve l'indication du type de poésie à laquelle appartient le poème de l'affiche. À titre d'exemples, voici quelques thématiques proposées récemment par la RATP : la poésie amoureuse, brésilienne, polonaise, francophone. Cet élément décoratif remplit avant tout une fonction organisatrice. Ce repère construit une séquence, à la manière de ce que l'on peut retrouver dans les manuels scolaires. D'une affiche à l'autre, la composition graphique ne change pas, seul le choix des thématiques varie, trimestre après trimestre.

La composition de cette affiche aurait pu être différente. On aurait pu trouver par exemple une illustration correspondant au poème choisi, la photographie ou la représentation de l'auteur sous forme de médaillon. Pierre Fresnault-Deruelle, dans L'Éloquence des images , indique en effet que

d'une façon générale, l'association d'un visage à un projet (politique par exemple) ou à un objet (fait remarquable, œuvre littéraire ou picturale, etc.) est un réflexe culturel aussi ancien que cette activité d'élucidation qui cherche toujours à déceler dans les choses qui nous entourent la marque de leur auteur. (Fresnault-Deruelle, p. 49)

Dans le cas qui nous occupe, la figure du texte efface celle de l'auteur. Imprimée dans un caractère inférieur à celui utilisé pour la citation du texte, cette indication est moins visible.

L'affiche réduit à l'essentiel les notations qui accompagnent le texte. Seules indications biographiques, la date de naissance et éventuellement de décès ainsi que la mention du pays d'origine pour les poètes étrangers. Le choix même de ce dépouillement est un signe, le véhicule d'une idéologie déposée sous le texte, dans le blanc de l'affiche. On trouve là encore l'indice que la RATP souhaite proposer à ses usagers une page à lire. « La transparence reste un effet de la médiatisation elle-même », écrit Jean Davallon à propos des expositions dont il analyse les dispositifs (Davallon, p. 36).

La matérialité des formes textuelles choisie constitue à elle seule un texte qui peut être analysé. La charte graphique, les notes et les commentaires qui entourent le texte participent à l'élaboration de ce qu'Emmanuël Souchier appelle « l'image du texte ».

Quelle qu'en soit l'histoire, la situation ou le « contenu »… il n'est pas de texte qui, pour advenir aux yeux du lecteur, puisse se départir de sa livrée graphique. C'est une vieille histoire que celle qu'entretiennent le texte et « l'image du texte ». (Souchier, p. 138)

Le choix de l'italique pour présenter les textes n'est pas anodin. L'italique renvoie le lecteur à des situations de lectures, plus ou moins variées selon son instruction, dans lesquelles il a côtoyé l'italique. La correspondance des différents emplois jouera consciemment ou non dans la lecture et orientera le regard que va porter le voyageur sur le poème.

Pour Jacques Dubois qui s'est intéressé de près à cette singularité typographique et à ses effets sur la lecture et l'interprétation que l'on peut avoir d'un texte, « l'oblique se donne ainsi comme un message cryptographique qui a quelque chose de l' énigme , qui intrigue, interroge et appelle le déchiffrement » (Dubois, p. 247).

L'italique, précise-t-il, « implique le destinataire par une connivence secrète et énigmatique », dans notre cas, c'est un clin d'œil de la RATP lancé à son usager, l'offre d'une complicité. Ce choix typographique est essentiel, il rend possible l'absence d'adresse explicite de la RATP à l'usager.

De tous les caractères d'imprimerie, c'est sans doute celui qui manifeste au plus haut degré une fonction conative (au sens jakobsonnien). Comme le vocatif, comme l'impératif, l'italique parle en « tu » ; le romain, en « il ». (Dubois, pp. 247-248)

D'une station à l'autre un texte prend forme. L'affiche trouve là une fonction nouvelle. Elle n'est pas seulement la page arrachée d'un manuel mais elle constitue le support d'une entreprise littéraire et nous renvoie à un genre éditorial hérité de la Grèce antique, l'anthologie.

La RATP ne met donc pas uniquement à disposition des usagers des textes littéraires choisis au hasard pour leur beauté ou pour leur pouvoir de suggestion, il produit une anthologie de poèmes dont il est l'éditeur. Le titre de la collection est signalé par un logo qui reprend sous la forme d'un jeu poétique les éléments du logo de la RATP : « des rimes en vers et en bleu ». Cette opération est sous-tendue par un projet éditorial ambitieux. Car si le dispositif choisi nous fait penser au manuel scolaire, la majorité des poèmes choisis, à quelques exceptions près, n'y figure pas.

Ces poèmes qu'on lit sur les murs du métro. Architecture d'une anthologie souterraine

Pour interroger les choix éditoriaux de cette anthologie souterraine inachevée, nous avons choisi de nous appuyer sur une anthologie réunissant l'essentiel des poèmes affichés depuis 1993 dans le réseau de la RATP (Poèmes pour voyager : Anthologie des poèmes dans le métro et le bus). Il est important de noter qu'aucune des affiches apposées dans le métro ne fait référence à cette anthologie et que le classement des poèmes figurant dans ce livre ne correspond pas aux séquences proposées dans le métro. Les deux dispositifs de lecture fonctionnent de manière autonome. La présentation de la page ne suit pas non plus les mêmes dispositions et la typographie varie d'un support à l'autre. Bien que la lettre du texte soit identique, à quelques exceptions près (poèmes coupés), le texte n'est pourtant pas le même.

D'un point de vue générique, le choix d'afficher des textes versifiés est déterminé par des contraintes matérielles. Le support détermine le genre. Le sonnet, l'épigramme et le haïku se prêtent mieux que d'autres formes poétiques à l'exposition. Une logique du fragment se dessine, car dans le métro, il s'agit de profiter de la présence fugace d'un usager pour transmettre une image ou une émotion. La poésie, par son pouvoir d'évocation et de suggestion, remplit les conditions matérielles de lecture dans le métro.

D'un point de vue thématique, le voyage, l'évasion étaient sans doute des thématiques convenues et programmées par l'horizon d'attente. La lecture de l'anthologie a démenti cette hypothèse. Les motifs poétiques sont très variés : on retrouve évidemment les topoi traditionnels de la poésie lyrique : l'amour, le temps qui passe, la nostalgie mais aussi des poèmes que l'histoire littéraire a classés dans la catégorie des poèmes mondains. On découvre ou redécouvre avec plaisir les traits d'esprit de Voltaire. Se donnent aussi à lire des poèmes sérieux qui posent le problème du droit à l'existence, des poèmes de guerre, des poèmes qui parlent du deuil, de l'exil et parfois des prières d'où se dégage une gravité certaine. L'éditeur de ces rimes en vers et en bleu marque toutefois une prédilection pour les instantanés de vie, des poèmes écrits comme on ferait un cliché avec un polaroid, des poèmes qui en quelques vers réussissent ce tour de force de fixer des scènes de la vie, souvent légères et touchantes. Beaucoup des poèmes affichés constituent comme des fenêtres ouvertes par lesquelles l'usager peut s'échapper et s'abstraire, l'espace d'un moment de lecture, de l'environnement souterrain dans lequel il se trouve.

L'originalité de cette anthologie tient au choix des poètes sélectionnés. La RATP ne nous offre pas une anthologie poétique composée exclusivement de morceaux choisis. Il ne s'agit pas non plus d'une réédition déguisée du célèbre « Lagarde et Michard ». On trouve certes ce que l'on appelle les belles pages de la poésie française. Louise Labé, Du Bellay, Lamartine, Hugo, Mallarmé figurent parmi cette anthologie souterraine. Mais ces textes que l'on a coutume de désigner comme « majeurs » sont proportionnellement minoritaires dans cette anthologie. Pour les éditeurs de cette collection, il s'agit de faire découvrir des poètes contemporains ou anciens tout en ménageant quelques occasions de retrouver des textes « patrimonialisés » par l'institution scolaire. La RATP accorde également une place très importante aux poètes étrangers.

Pour les concepteurs de cette opération, il s'agit d'aller à la rencontre d'un large public : 5 millions de personnes parcourent les quais du métro chaque jour. C'est donc l'anthologie poétique potentiellement la plus lue.

En février 2005 à l'occasion de la Saint-Valentin, la RATP a choisi de consacrer une série de poèmes à la poésie amoureuse. Présentés sur les affiches 62 x 100 cm, nous trouvons donc un extrait tiré de la moralité de Charles Perrault, un extrait d'une tragédie de Racine : Bérénice (Acte IV – scène V), un poème d'Eluard tiré du recueil Au rendez-vous allemand , un poème de Catulle : « Au moineau de Lesbie », un autre de Pablo Neruda : « L'heure de l'amour ». Dans les rames, les usagers ont pu découvrir les fragments suivants : deux poètes français du XX e siècle, Tristan Tzara (poète surréaliste) et Maurice Régnaut (poète contemporain né en 1928) ; l'extrait d'un poème écrit par un poète turc du XX e siècle, Nazim Hikmet ; un poème indien du VII e siècle attribué à Amaru ; un poème de Christine de Pisan (XV e siècle) ainsi qu'un poème de Marcabrun (XII e siècle). Une séquence variée, tant historiquement que géographiquement. Des poètes plus ou moins connus du grand public côtoient les grands noms de la littérature et la RATP participe à la patrimonialisation de certains auteurs par cette mise en scène muséale de la poésie.

Une entreprise patrimoniale / La muséographisation de la littérature

 Philippe Hamon, dans un article intitulé « Le musée et le texte », désignait les manuels scolaires comme des formes de « muséographisation » de la littérature. Nous pouvons aller plus loin dans cette affirmation avec le cas qui nous occupe en parlant de muséographisation pour ces affiches qui mettent en abyme la page de manuel scolaire. Le texte littéraire lorsqu'il est mis en scène dans un cadre sémiotique qui n'est pas celui pour lequel il était originellement conçu, acquiert un statut différent.

Le métro n'est certes pas un musée pourtant on y découvre des poèmes selon les mêmes modalités que dans un musée (la mise à distance d'un texte que l'on ne peut pas manipuler et qui est parfois présenté sous verre). Ce dispositif contribue sans doute à conférer au texte une autre épaisseur.

La mise en exposition donne une opérativité symbolique nouvelle au texte poétique. Là encore l'absence d'adresse explicite, l'apparente nudité du texte exerce sur le spectateur ce que Jean Davallon appelle un « exhaussement ». « La dénégation de l'énonciation (axe communicationnel) a pour corollaire un exhaussement de la relation à l'objet, ainsi qu'au monde que ce dernier représente (axe référentiel) » (Davallon, p. 30). Le texte acquiert grâce au dispositif de l'affiche une valeur patrimoniale.

L'affiche littéraire est un objet hybride qui met en abîme des pratiques lectorales plus ou moins familières aux usagers de la RATP. Le dispositif d'exposition induit un processus de patrimonialisation. L'affiche littéraire patrimonialise aussi bien des textes littéraires qu'une manière de lire. Par son format et sa mise en scène, elle suscite à bien des égards la fascination. On trouve les traces de cet enchantement dans la littérature ; Adeline

Wrona montre en effet la place que prend l'affiche dans la fiction.

Bibliographie :

Davallon, Jean, L'Exposition à l'œuvre (Paris : L'Harmattan, 1999).
Dubois, Philippe , « L'italique et la ruse de l'oblique. Le tour et le détour », in L'Espace et la lettre (Paris : Union générale d'éditions, « Cahiers Jussieu – 3 », 1977), 243-256.
Fresnault-Deruelle, Pierre, « Le texte ‘envisagé' », in L'Éloquence des images (Paris : Presses Universitaires de France, 1993), pp. 49-60.
Idrac, Anne-Marie, Poèmes pour voyager : Anthologie des poèmes dans le métro et le bus (Pantin : Le Temps des Cerises, 2005).
Souchier, Emmanuël, « L'image du texte, pour une théorie de l'énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie , 6 (1998), 137-145.

Auteur :

Anneliese Depoux est doctorante au Celsa, Université Paris-IV Sorbonne. Ses recherches portent sur les phénomènes de médiations et de patrimonialisation de la littérature ; elle s'intéresse aux représentations du littéraire et de l'écrivain dans les champs littéraire et médiatique contemporains. Elle a publié un article consacré à « La fabrique de l'événement littéraire » (Communication et langages, 142) et un autre à la « muséographisation de Joachim du Bellay» (Communication et langages , 150).


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