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Tristran

Tristran

(Obsidiane, 2010)
Tristran, traduction anglaise (Lx Press, 2016) 

Le  livre (dont on trouve les premi res traces dans Le Hasard, publi en 2004 par Obsidiane) transporte la l gende de Tristan la fin du dernier si cle, au milieu de la crise irlandaise qui secoue alors le Royaume-Uni. Mais seul importe l’amour sauvage et d sesp r unissant les amants, qui ne peut se r soudre que dans la mort :

Ils veulent subir cette passion qui les blesse
Et que toute leur raison condamne...

Le po me interpr te librement le r cit, restituant l’ambig it que les alt rations du temps donnent aux anciens manuscrits.

            Une admirable version contemporaine du po me de Tristran et Yseut (Yves du Manno)

Une traduction anglaise par Gen ve Chao a t publi e aux ditions Lx Press (Los Angeles, 2016)



Extraits

   


 

       1
L' le large

 

.II.

Ils avaient trop r v trop hant
La brume des marais Tant de fables tranges
Sit t retir le d luge tant de sortil ges
Hommes et b tes se m lant et s’engendrant
Des taureaux chevelus des morholts
Puis d barque dans l’est une cohorte noire :
Cromwell gorge sur sa cuisse le bouc
Aux cornes dor es An poc ar buile
Et d plie son patron sur cette le l g re
D sormais que l’utile gouverne Les passions
Enferm es dans un strict corset et la pierre
D’ loquence bris e D sormais
Le silence et creuser de longues fosses
Le front tourn vers Tara Les st les s’effondrent
L’ le roule lentement sous les vents
puis e livr e l’herbe de la faim
De lourdes barques charg es d’enfants
S’enfoncent dans l’ouest sur les traces des moines
Disparus par les mers dans leurs auges de cuir
Ce chagrin si loin que remonte la m moire
Ils ont trop cout les mal dictions trop
Aim la mort...


.VII.

Sur la table poisseuse un journal d chir
IRISH INDEPENDENT quatre feuilles tach es
Une lune de bi re et des cendres Le titre
Est bu par le papier les noms mutil s
Je d chiffre sans tressaillir les mots aventureux
Mort et larmes et de nouveau mort
Mais la v rit ce soir n’est pas mon orgueil
Et seul l’ cart au milieu des ombres
Je fais malgr moi de ces m chants clats
Un miel suave Tristan ! la main court
Au revers d’un billet de tombola
Et je r ve enlev par la ale douce-am re
O s’ prendre nouveau agenouill
Dans la terre molle et louer les amants
D gageant de la tourbe deux formes nou es
Aux membres disloqu s pris dans les racines
Proies d’un d sir p trifi qu’un souffle peut- tre
Va ranimer et rendre leur folie les yeux
Dessill s les membres lav s les parties molles
Gonfl es par les humeurs si ges des vertus
Et des passions Si grande joie si grand...
Et un doigt sur leurs plaies prouver
Leur destin e...


.XII.

Il se livre la providence Tertres et vallons
Le bras nou dans un mouchoir les dents serr es
Titubant entre deux mondes flottants
Bois et landes bigarr es nuages errants
Courant vers la fronti re une trace ind cise
Un soir dans les glens un hameau abandonn
O pour deux cents mes un pr tre avait fond
Un den communiste Il brise un carreau
Et se glisse dans l' cole Maigre amphith tre
Aux pupitres huileux sous la poussi re Retrouver
Sa place dans les rangs et revenir soi
Accroupi dans la lumi re basse Des planches
Charg es de bocaux de livres histori s
Au mur la carte du monde o sous le doigt crayeux
De g n rations de ma tres l’Irlande a disparu
Aspir e dans un profond tourbillon
Comme une autre Atlantide se livrant la mer
Pour chapper la famine et la honte
Puis couch sur un banc au milieu de ce monde
Class par ordres et par r gnes Fuchsias et foug res
Et des b tes disparues avec l’enfance
Le Blaireau et la p le Hermine la Salamandre
Basculer dans un sommeil na f...



2
L'ivresse


.V.

Elle est genoux proche et terrible
Engendr e par la fi vre Les cheveux boucl s
Roussis au purin d’ ne Les l vres gonfl es
Fr le et laiteuse un bloc de magn sie
Ti de lune dans le soleil naissant Si l’œil
Pouvait soutenir cette aube sans ciller
La main repousser la main inexorable
Qui arrache la charpie et fouille lentement
Le corps La charit une pointe
Aiguis e au feu Mais qu’importe
Que br le la chair mis rable
Il est une douleur plus poignante le cœur
Qui se d robe et ne tient la vie
Que par cet œil qui verse un feu puissant
Le hasard fait son œuvre Tristran
Se donne en fr missant Dieu y fasse vertu
Rien ne pourra le gu rir Aimer
Ni se refuser Plus rien le d livrer
Fuir ni demeurer Ni se m ler
la tourbe profonde...


.VIII.

Le soleil fend la poussi re La chambre
S’ouvre comme une crypte Elle est devant lui
Le front s v re les cheveux ch ti s bras
Et chevilles couvertes et toutes les magies
Obscurcies Je la revois au-del des ann es
Noire nonne chapp e aux si cles de peste
Pench e sur mon ch lit dans un cilice noir...
Il ferme les yeux l’ ther se r pand le feu
Fait crier la chair Douleur fid le et ferme
quoi il se livre sans retenue B n diction...
Pour chapper au souffle l ger
Qui le parcourt in anima vili
Cherchant en aveugle dans les linges nou s
Le d faut o p n trer sous quoi palpite
La masse molle des sentiments Comment
Se d rober           Il crie ce nom que la gorge
Ne sait pas garder un vinaigre un miel
Ys p lit la main suspendue
Les yeux agrandis Quelle mal diction...
Terrass e par cette folie aupr s de quoi
Il n’est pas de sagesse...


.Les fragments.

Le jour est d j haut et la lumi re est maigre. dans l’embrasure de la fen tre un jardin de buis. une all e crayeuse bute sur un mur. son esprit s’ vade. il n’aime pas cette fable cruelle, un amour sauvage inconnu ici. il compte et num rote les lignes. si longue arithm tique avant d’atteindre cette le on qu’il ne sait formuler. Je ne sais ce que j’en dis...

Quarante lignes par colonne, deux colonnes par page. semaine apr s semaine, la compagnie des merles, puis le gr sil qui fait tinceler les toits. longue peine r inventer un sentiment perdu. des noms incertains, des mots demi oubli s, barr s un un dans la nomenclature.

Puis le livre se perd. d vor par les cafards. moisi par les orages. d pec pour ses images la sanguine. recouvert par l’ pop e d’un demi-saint de campagne. emport dans l’incendie d’un s minaire protestant.

Un jour, dans la reliure d’un cartulaire, on en retrouve un feuillet coup en deux mi-hauteur. le couteau a emport tout un bord : au recto, le d but des vers de la premi re colonne ; au verso, les rimes de la seconde. une strophe est cach e dans la reliure. le r cit bute sur un vers boiteux. Si grande joie si gran[de]...

De 13 000 vers n’en restent que 3 000, parfois amput s de moiti . cinq fragments : l’ le, l’union, le verger, et la salle aux images. puis c’est la fin. sur une vignette, les amants sont assis c te c te. il tient sa main, elle penche le front vers lui. ils sont envelopp s dans le rouge comme dans un brasier.

Nous ajustons des bribes. nous calculons. nous r vons d’une unit perdue.



 

       3
Le marais

 

.V.

On peut imaginer un marais au milieu des landes         au pied des terrils un verger abandonn

des pruniers aux fruits sauvages         de minuscules fleurs de neige

je saurais d crire le paradis

pas un toit plus de vingt miles

parfois         franchissant les collines         une caille ou un faisan         peine chapp s au pinceau du naturaliste

le printemps grandit les pr s         les couleurs se r pandent         comme un vin de malvoisie

avec le serein des nuits belles d’ toiles

In orchard         under the hawthorn         she has her lover till morn...

on peut imaginer         l’eau luisante et les plan tes fra ches         et les amants         enseign s         l’ cole du Jardin.



.IX.

Moi aussi         d s que mes yeux ont su se fixer         et mes l vres promettre         moi aussi         face aux montagnes vides         je l’ai r v         un livre dans la main gauche         revenir au d but         et retrouver         les vertus primitives         loge d'une terre sauvage         et aujourd’hui encore         clo tr dans cette ville sombre         une chambre offerte au nord         exhumant         les premiers mots         la nostalgie m'arrache         mes aust rit s


Mais venant apr s tous         rassembler ce qui n’est plus         qui s’efface dans la poudre         de bribes informes         comment         glorifier le d sert         une pauvre l gie         malais e comme         la montagne du paradis         les r gles si l ches         si troubles les passions         que disant joie         ou innocence         notre louange         se retourne contre nous         que retrouvant dans un souffle         l’enfance de la langue         aux claires images         nous m lons         l'amertume...


.XVI.

Landes et bois toute la terre immense
Il n’y avait arpent qui ne f t eux
Enferm s entre trois bornes au fond du Morroi
Trois collines mobiles comme la pens e
Ce qui les unissait l’abandonner pourtant
Et d tourner les yeux Ici est notre fin
Une tour au vent dans un verger d’ pines
Et des mines croulant sous une verge d’herbe
Seul le cri des choucas louangera la lande
La tourbe avalera la st le troite
O ils avaient grav les mots du paradis
Leur amour sera moins qu’une graine ail e
Il regarde au nord dans un sillon un feu
Tourment par le vent Le monde commun
J’irai seul dans l’hiver sans joie sans d sir
Il n’y a rien au-del de ce d sert
Elle l’implore en vain Leurs adieux
Sont une pierre fendue Elle dit Aime-moi
De loin comme de pr s et ne m’oublie
Jamais Que mon amour se soude toi
Comme cet anneau Qu’il te prot ge
Et jamais ne te laisse de r pit...



4
Tantris


.II.

Tristran s’enfuit cherche la voie du nord
L’aimer et le suivre distance le doigt
Sur une carte chiffonn e Il passe la Tone
Et les Quantock Ivre et triste comme Du Fu
Des cantons ingrats dans l’ombre Au soir
Station dans un bois de houx Des truies
Fouillent le marais Lourdes sœurs p nitentes
Nourries de terre et de chagrin
Puis au-del d’une double cl ture
Un pr chaotique o s’effondrent des tombes
Et un maigre oratoire abandonn aux pluies
Il se couche Le froid descend Dans un trou
Un oiseau lutte sous la queue du vent
Dernier locataire de ce lieu sans fum e
Sans gr ce sans horizon Comment faisaient-ils
Assis sur une caisse devant un mur fendu
Un rai de couleur silencieuse Comment
La veille et le sommeil Cette abstinence
Peut-elle combler le cœur Folie d’orgueil
Se voir leur suite et pour une illusion
Chasser le monde...


.La s paration.

Ils refusent les plaisirs. ils se cherchent nuit et jour sans s'atteindre. ils le savent dans leur langue : Rien quoi s’appuyer... ils font de l'absence leur lit. Rien ne toucher des l vres... exercice de la solitude.

Rien ne peut apaiser leur angoisse. ils ferment les yeux pour voir. ils louent un nom d cevant. leur d sir est cette limite pure, cet ordre qui ne peut exister que dans l’absence. Rien de vous jamais...

L’amour est un vin amer. les p nitents le confessent. les voluptueux le savent sans l’avouer. po tes et savants l'argumentent, et les philosophes de la raison. et le r p tent les clercs, qui ne savent rien du vin ni de l’amour.

Et Thomas le bavard avec eux. Ce dont nul bien ne peut venir... le martelant sans fin de ses huit pieds. Qui ne veut rien que le tourment... la corde basse est tendue se rompre. chercher la lumi re en regardant la nuit.

Que deviendrons-nous si nous sont enlev es nos chim res ? l ches et cupides, livr s au monde hasardeux. des jeux grossiers et des livres de m nage. des cartes brass es, ne peut-il sortir que l’ ne ou le pendu ?



.XIII.

Il s’enfuit dans la nuit Une souffrance s che
Cherchant en aveugle sa n cessit La ville
Et les quais De lourds mausol es industrieux
Et des fa ades aust res comme une main de whist
l’aube dans l’oscillation des premiers phares
Une vitrine poussi reuse TRISTAN
UND YSOLD
Antique atelier de modiste
O s’exhibe un mannequin de femme Le front
Enferm dans un sac La peau grivel e
Hanches et seins garrott s Deux bandes de cuir
l’ treinte chiffr e Lent supplice
Et d’ tranges instruments aimantant le d sir
Une r gle de bois des fuseaux de fil noir
Et des bas Il demeure immobile
tourdi de sommeil d brouiller le sens
Dans l’ombre une vieille SINGER la roue noire
Actionnant un d licat m canisme
De nerfs et d’organes int rieurs Le hasard
S’enfonce en lui comme une aiguille hypodermique
Il implore voix basse ce spectre huileux
Qui souffre dans la p nombre Et les larmes
Le suffoquent...



5
La mort


.I.

Ils courent leur fin sans se m ler
La mer est entre eux comme un couteau
Tristran maintenant que tout est accompli
Se perdre o rien ne fait obstacle au mal
Un d sert montueux ferm comme un tombeau
Voil o nous tendions voil le lieu central
Des cr tes parall les au milieu des cartes
Longues combes lev es gerc es de lacs
Parfois sur une le un enclos de dix ares
O filtre intervalles parmi les houx sauvages
La fl che d’un ciel fixe L
Nu et solitaire au fond de l'Irlande
Se garder pour celle qui ne changera plus...
Maintenant qu’ils sont d livr s du r cit
Ceux qui peinaient sur une chaise dure
L vent les yeux de leur r ve bloui
Et retrouvant aux volets la pauvre lumi re
Qui descend sur leur vie Ils souffrent enfin
Pour eux-m mes...


.II.

Loin des provinces maritimes Loin des routes
Ghuag n Barra Deux montagnes pour cl ture
Et un lac tir o une le vacille
D rivant au vent sur son lit de roseaux
Ici se contenter exasp rant sa p nitence
L’ombre qui passe et la conversation des b tes
Un chien nu quelques truies poitrinaires
Et trois rangs de pois sur leurs hampes graciles
Louant le pass sous un houx centenaire
Bless chaque mois d’une pi ce de cuivre
Aveugle d votion martel e dans l’aubier
Le silence grandit Les monts glissent au pas
Les pentes se couvrent de mousse et de neige
Et le sang suppure comme aux plaies d’un l preux
Ici oublier et tre oubli
peine rattach au monde d’autrefois
Par quelques signes connus de soi seul Un rosier
Et une vigne m l s Une loge sous les arbres
Perc e par l’ clair du matin Sur une croix
Un nom rong par les pluies...


.V.

Ils ont menti pour nous blouir         nouant en tresses les passions         des couronnes clatantes         et longuement nous ont tent s         un jardin loin des murs         o se joindre aux amants         enfi vr s         puis ils saccagent tout         et nomment faute le d sir         une l pre qui consume la chair         et n’a pas de fin         sinon ce v tement de terre         qu’il faut rev tir enfin         et m me l         embrass s         comme deux tiges m lant leurs racines


Ils morig nent les amants         ils ravalent leur nom         redoublant         ce que tous ont dit         chacun son mot         sa graine dans la terre commune         l’orthographe change         et les pays         un pr fondant dans la maremme         ou une le bruissante         mais toujours         au bout du chemin         ce trou dans la terre         quoi le d sir conduit         et la folie d’aimer         m me         sans cesser peut- tre         en secret         de la louanger...


.La seconde fin.

J’ai tant repouss cet instant. une chambre grise et froide, un lit picot, un ciel infirme dans un volet. soir et matin l’ombre de la seconde Is . une cloche au loin, parfois, scandant les le ons communes. l’accompagner en sourdine, un couple de sangsues coll la gorge.

Il sait et n’esp re plus. en toi j’ai bu ma mort... la peau se r tracte. les tendons saillent. le ventre gonfle. un souffle pais sur ses l vres aspire et chasse la poussi re. pour qui maintenir le corps en vie ? il l’attend pourtant, couch contre le mur humide. l’encoche des jours s’ mousse dans le pl tre.

Ys sanglotte, un doigt sur des lignes douteuses. elle se jette sur la mer, l’orage retient longuement sa voile. puis elle est l , elle bute sur un corps aveugle. je ne suis pas... dans un morceau de vitre, hors d’atteinte, le ciel parcourt le m ridien. je ne suis pas Ys si je ne sais te suivre... elle accomplit sans trembler son destin. ils roulent embrass s dans l’ab me.

La clart qui les enveloppait, n’ tait-ce qu’une illusion ? ceux qui taient avant nous se sont tus. ils nous ont men s sans sollicitude, parcourant les deux voies, disant mauvaise la plus d sirable. le temps a parfait leur œuvre : corrompant l'indicible joie et pargnant les derni res pages.



.VII.

Ils mentaient pour nous enseigner         flattant notre humeur         une galimafr e d’ loges et de ruses         dressant l’ cart du monde         un lit odorant         o faire de soi l’offrande         et poss der         ce qui n’est pas d’ici         s’ils disaient poison la lueur dans leurs yeux         et d sert         les collines sauvages         nous n’entendions pas         embrassant dans un frisson         une vision puissante         o la raison ne parlait pas


Ils se sont tus dans un hoquet         et le chagrin nous saisit         genoux dans un marais acide         qui dissout les passions         et conserve les corps         pour l’ dification         des g n rations venir         tourbe paisse o tout revient         et le poison qui coulait dans leurs veines         passe aux fleurs clatantes         aux pines         aspir par les racines noires         colorant les baies des foss s         les mousses         et les pierres...





Critiques


...si vous aimez, si vous avez aim , vous aime rez ce livre. (...) Tris tran se lit comme un roman au sens que l’on donne aujourd’hui  ce mot : on y suit avec int r t l’aventure et les vo lu tions amou reuses de ses pro ta go nistes, ainsi que la pro gres sion du tra vail du po te qui est int gr e au r cit, rejouant l’histoire des auteurs et copistes de la l gende. Cette figure de po te crit sous le patro nage des po tes anciens et dans une rela tion sp cu laire aux moines copistes...        Ma lle Levacher (lelitteraire.com - avril 2018)

 

M lant la passion politique aux mots aventureux de la l gende et aux souvenirs personnels, c'est le mythe et le r el, le d fi et l'intime, le r ve et l'absolu que G rard Cartier parvient concilier. De cette l gende dont les racines se perdent dans la nuit des temps, ne nous sont parvenus que des fragments. (...) Ces bribes, Cartier les ajuste, les transpose, en distille le charme et la force, en retrouve la musique et les silences. C'est intense et prenant, grave et beau comme un feu dans la nuit. (...) Il dit l'engagement et l'amour sanctifi s par ce qui les scelle, et donne voix tout ce qui chez Tristan et chez Yseult peut encore nous parler et nous atteindre au plus profond.        Richard Blin (Le Matricule des anges - juillet 2010)

 

Cette l gende essaim e dans l'Europe enti re, et devenue universelle, c'est sa couleur originelle, celtique, anglo-normande et, si l'on peut dire, son accent d'outre-Manche que s'attache restituer et transmettre dans son langage tr s personnel, G rard Cartier, incontestablement dou d'une ampleur de vue historique et du souffle pique que requi rent cette travers e de la m moire et ce travail d'alchimiste qui consiste refondre l'autrefois dans l'aujourd'hui. G rard Cartier y r ussit avec clat, non sans c der parfois une excessive sophistication dans son dispositif prosodique. (...) Si bien que l'on s' merveille de constater comment G rard Cartier s'est inspir de la l gende d'un autre si cle, pour investir le n tre d'une id e de l'amour dont Eilhard et B roul furent les intercesseurs.       Charles Dobzynski (Europe - juin-juillet 2010)

 



Reconvoquer l'origine du conte celtique, depuis un n ant de tourbe et de brume. Lettres effac es, pages macul es, d but arrach , le po te est habit de l' clat et de l' charde. D s le commencement du r cit, en l' t d'un autre si cle, le corps du po te est le corps du livre, o il n'est pas seulement question de pages et de mots, mais d'argile et de chair tremblantes. (...) Embrasser la faute, la ch rir. Toute la force de ce recueil : laisser / Aux amants des si cles futurs une louange / Sans fl trissure.       Nathalie Riera (Les Carnets d'Eucharis - juin 2010 ; et Terres de femmes - juillet 2010)

 

D j dans Le Hasard, G rard Cartier posait la rencontre comme surgissement dans le texte d' l ments disparates, voire disloqu s ou trou s, pour tenter d'y inscrire un discours. Tristran appara t comme une criture polyphonique, aux voix emm l es, celles des personnages de Tristan et Yseut – les vieux amants , des bribes de textes, des paysages anciens et la modernit parfois la plus sordide, ainsi que la voix du narrateur. (...) Le livre de G rard Cartier est celui d'une histoire que le lecteur a la charge de relayer, y compris pour son propre compte, pour aborder et prouver d'autres histoires jusqu' ce que les r cits en soient d finitivement bris s.       Bernard Demandre (Mediapart - juin 2010)

 

C'est une constante chez ce po te d'entrelacer les poques, qu'on se souvienne, par exemple, du D sert et le monde (Flammarion, 1997). (...) Quand le texte dit : Je suis Tristran / Ce triste si cle a g t mon sang , qui est ce je, sinon l'auteur ? Mais le je auteur parle au nom de tous, interrogeant un amour o s'insinue la notion chr tienne de  faute, une terre o tout s'enfouit dans la tourbe. (...) C'est bien de notre si cle qu'il s'agit et Tristran ne nous laisse pas l'oublier. Dans la l gende, une ronce vive unit les tombes de Tristan et d'Iseut. Coup e, elle repousse. La po sie est la plante vivace qui unit les si cles.       Fran oise H n (Les Lettres Fran aises n 71 - 15 mai 2010)

 
 

Ce recueil revisite le roman de Tristan et d'Yseult au travers de po mes qui sont autant de moments de passion de Tristran pour l'Irlande d'abord, son histoire, sa culture, o peu peu se m le l'amour d'Ys , reprenant ainsi le pr nom de Claudel dans Le partage de midi et signant un d calage linguistique – qui se renforce dans le renversement de Tristan en Tantris – d'avec le conte original, d calage qui se retrouve dans des recherches formelles inventives.      Jean-Pierre Balpe (HyperFiction sur Lib ration - 30 avril 2010)

 

Roman en vers, peut-on dire que Tristran en est un ? Des vers, il en est de toutes sortes, versets, laisses, vers libres, distiques, une grande vari t d'approches qui pousent soit r cit, soit d clamation, soit la confidence (le retrait cher Seamus Heaney, dont la pr sence est ici discr tement sensible) : la l gende s'entrem le l'aujourd'hui de l' criture. (...) Assur ment il faut tre po te et avoir crit dans les ann es de cet ge , ces pages aussi pleines de m lancolie que de beaut s.       Ronald Klapka (Lettre(s) de la magdelaine - 29 avril 2010)

 

L'actuel et l'intemporel sont donc troitement li s dans ce long chant de l'amour impossible que la mort vient pourtant sublimer . De par sa lenteur hi ratique et la richesse constante de sa langue, l' criture de G rard Cartier atteint dans ces pages une sorte de transparence nigmatique et tourment e. Quant aux laisses dont il a invent au fil des ann es la forme exemplaire, la fois r guli re et heurt e, elle trouvent avec ce Tristran une mani re d'aboutissement – et de sagesse baroque – qui porte en filigrane le r ve d'effacement de son auteur : Qui chante encore c'est voix basse, et son chant lui reste tranger.       Yves di Manno (Cultures France - 26 avril 2010)

 

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