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Leçon
de morale
(François Coppée)
Qui secoue ma
grille
je ne veux pas
défense d’entrer
je ne suis plus de ce siècle
muré dans mon arpent
au Monomotapa
frère des vétustes rentiers
et comme eux sans aventure
un chat monstrueux dans les bras
nulle autre compagnie
accueillant le soir dans un frisson
enviant aux grives leur chant frivole
au bout du jardin
une âcre fumée
le monde hasardeux
dans les branches
qui sans feu se consume
On insiste
New York en direct
crise financière
les bourses s’écroulent
bien fait !
krachs et banqueroutes
la petite ourse Stearns et la grande AIG
emportées par le train fantôme
je jubile
pourquoi
moi aussi
ne serais-je pas méchant
la vertu n’est pas libérale
de sentiments
on me raillerait
comme sous la Troisième
on faisait
de ce bon François
Coppée
la compassion est une infirmité
Les frères Lehman
se tirent avec l’oseille
leurs frères idem
des îles Caïman
qui raréfiaient le grain
et affamaient deux continents
Chicago Rice
changer peu en beaucoup
les nations s’étonnent
idem
les jeunes gens pressés
de Wall Street
la main sur le cœur
l’Amérique est déconfite
tant de peuples
comme aux temps bibliques
chassés sur les routes
la grande roue de la fortune
perfectionnée par la finance
Cinq ou six millions
jetés par l’hypothèque
à la rue
se lavant aux fontaines
en cachette
dormant au froid
la banquette
d’une vieille Oldsmobile
ou un lit de cartons
une prière aux lèvres
Job
dans ces spectres
notre bon François
Coppée
comme aux petites vendeuses de violettes
reconnaîtrait-il
enjoignant aux puissants
la charité
et aux indigents
des vertus mesurées
le Christ ?
Je rêvais face au jardin
dans la colline la lumière penchait
je devenais sauvage
et ivre de rien
une touffe violette
une aile
j’oubliais le siècle
inutile à tous
et libre de passions
pourquoi
m’arracher à ma retraite
je voulais ne chanter que la beauté des choses
et l’âge sans fin
me voici sur l’estrade
à manier la férule
leçon de morale
et versifier
les sabbats
du capitalisme…
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