|
|||
Ce recueil est un triptique dont les volets latéraux sont inspirés l'un de L'Art d'aimer, l'autre des Remèdes à l'amour d'Ovide, encadrant une série de poèmes fugitifs : Les Amours de Loris. Ceux-ci forment la « partie du dessous » d’un échange amoureux, dont la partie du dessus (Les Amours d’Ornel) est laissée à l’imagination du lecteur. Les adaptations d’Ovide sont extrêmement libres.
Elles jouent sur les
faux sens suggérés par la vieille langue et sont parfois fortement
extrapolées. Des extraits ont été publiés en revues sous le nom d’Ornel Colomb, le narrateur de L’Oca nera (La Thébaïde, 2019) : les impromptus des Amours de Loris sont nés dans le temps et les circonstances du roman. Ils sont voués à Livia, son héroïne – ou à la Loris qu’on voudra. Extraits (attribués à Ornel Colomb) dans les
revues [Ce
qui reste], avec des photographies de Sophie Patry, et Terre à Ciel (suivis d'un
entretien avec Clara Régy et illustrés par un photo-portrait de
l'auteur par Ornella Ognibene). |
Extraits
Entretiens
Critiques
|
Extraits |
|||||
L'art d'aimer |
Les Amours de Loris |
Remèdes à l'amour |
Lettres
À sa vue tu t’émeus ta langue s’embarrasse
inutile de
consulter un logopède
écris-lui l’amoureux le plus
mesquin
est habile en cet art plus qu’un bonnet carré
effuse-toi sans crainte
prie-la doucement
ne sois
pas avare en paroles
le ciel ne coûte rien imite
les poètes
qui d’un petit Liré font un mont Palatin
pas de mensonges déguise en
flatteries
la vérité serions-nous ici à
jaser
si de tant d’amants les tablettes de cire
et les missives
cachetées
n’avaient porté les
confidences et même
gravée au canif une pomme les
mots
peuvent tout elle a lu elle
voudra répondre
affligée peut-être priant
qu’on l’oublie
presse-la elle craint ce
qu’elle veut
et redoute ce qu’elle implore
Jeunes filles
ne protestez pas vous aurez
sous peu
part à mes
leçons Et bientôt
tu seras maître de ses vœux…
Figures
Laisse-moi seul un instant avec elle
tu ne t’en plaindras pas Toi
j’ai honte
t’enseigner ceci mais dit la Bienveillante
notre tâche est la honte
connais-toi
une même figure ne convient pas à toutes
un beau visage offre-toi de
face ingrat
dénoue tes
cheveux des fesses
à la Bardot montre-les et
aussi la nuptiale
au ventre flétri par les accouchements
de belles jambes mets-les sur ses épaules
petite chevauche grande
presse le lit
de tes
genoux la nuque en arrière
belle en tout et juvénile et les seins sans défaut
étends-toi et qu’il reste debout dans les ombres
d’une lampe sourde mille et
trois
les jeux de Vénus il y faudrait trois livres
refuse-toi parfois non pour
t’épargner
le fer s’use la pierre
amincit à l’usage
or sinon
un peu d’eau tu n’encours
nul dommage mais afin
d’aiguiser
intolérablement son désir…
La couronne
Ma tâche est
faite il me resterait
soin superflu sans doute à
l’épouse
enseigner des
ruses florentines
pour mystifier celui qui s’en croit le maître
et avec son ami s’accorder en secret
pas de téléphone des moyens
oubliés
qui sont
un théâtre et un jeu
des épîtres cachées sous le
pied ou
de sympathie au suc d’une
tige de lin
ou au rouge à
lèvres émouvantes
sur le dos d’une amie moyen
aventureux
pour un
amant frivole me resterait à
dire
les clefs
adultérines et des magies
drogues de Colchide épices vins des laves
pour endormir l'époux et
enseigner à feindre
au lit mais baste si j’ai chanté
avec art
pas de myrte sur un front osseux à
quoi bon
des palmes posthumes mais
longtemps
gardez au chevet comme un talisman
de votre amour mon livre
Si passe au milieu du printemps • une beauté
en hâte • malgré ce qu’en disent les livres
& l’âge • comment • pour ne l’étreindre pas
n’avoir l'âme obscurcie • un grand ciel vert
entre les arbres
noirs • fuit • & déjà
est passée • à bicyclette • la beauté
•
Rien • 3 jours & 4 nuits • muette
les jours
passent • o cruelle • ici
sur l’Esquilin • une chambre comme une tombe
& dîner tôt • chez Apicius • truie miellée
vin muscat fruits poivrés • tu es loin
& long le temps • comme l’empire romain
•
Hôtel Leopardi rue Leopardi • témoin
qu’à Vérone on a le sang chaud • un lit
pour 3 • & pour un 4e • dîner maigre
d’un livre • les prix sous les glycines
ont fait fuir le passant • à toi dans la nuit
10 baisers • le front les yeux la bouche
épaules seins • nombril…
•
Autant qu’un autre je saurais te chanter
tu es belle ma laide comme une châtaigne
tes yeux un ambre où une mouche est prise
tes seins
petits 2 lunes de janvier
qui gouvernent raison &
folie & muable
tu te caches ma laide sous l’image
de la beauté…
•
Lourds tombeaux de brique abandonnés aux herbes
aux bêtes
rousses IACET·PRO…
entre un long ciel de traîne & les catacombes
je vous hante cette nuit au fond du Barbera
chancelant au bord du gouffre
où m'attend
dans sa
tombe ornée la magicienne
•
Ut pictura amor
habileté de la main
& fantaisie de
l’imagination chercher
les choses
cachées sous les connues
& susciter ce qui n’est
pas ainsi
le peintre & de son
propre ouvrage
envoûté
l’amant…
•
Belle d’hiver belle d’été
en
cheveux & à
l’antique
en tout & en
parties en robe
en
drap en nature…
•
Pommes sur la table Citrons & grenades
aux gourdes fraîches préservées par la cendre
& dans d’étroits cubicula des femmes
vénales à genoux sur un lit de lave
qui font à jamais à un dieu insatiable
hommage Un tribut de sueur & de plaintes
Plus vivantes que nous 100 fois…
•
Billet secret du Sultan à la princesse
Grisemine Mon amie quand j’étais lièvre
le thym fut mon bonheur Je fus lévrier
& crus que rien n’égalait le lapin Homme
à présent & roi je connais mon erreur
& vous veux dans mes bras…
De la haine
C’est fini pas d’éclats pas de furies taurines
celle qu’on aimait
scélérat la haïr
fin digne
d’un génie sauvage
honteux les amants aussitôt ennemis
que dénouée l’étreinte qui
noie
son amour dans la haine
aimait mal et cessera de
souffrir à regret
ni retiens la leçon de ces
temps tracassiers
ne quitte
pas son lit à ta honte
pour la jeter aux mains des huissiers de justice
comme à Rome dit Naso pays de
chicane
et de luxure tel de ses
amis écorniflé
or passe un palanquin où son amie paresse
ses mots se hérissent
terribles menaces
il veut la traîner au palais sors dit-il
de ta
litière elle sort il
la voit
dans son âme éperdue un trouble s’élève
ses yeux se voilent il ne peut plus parler
ses mains tombent et les
doubles tablettes
du procès et il choit
défaillant à ses pieds devant
tous…
Des spectacles
Pas de
théâtre ce qui sait nous
blesser
comme on l’y montre avec art comme
on la voit sous un visage
feint sa vive
allure sa voix dans la gorge
étrangère
qui point et fait jaillir les
larmes redoute
plus que
tout si vous a
séparés
un devoir tyrannique et non la trahison
les
remords du Partage de Midi
et les mots déchirants de Doña Prouhèze
oui oui…
la scène de ce drame
est ton cœur oui je crois
qu’il a été créé pour moi…
deux amants
séparés
par plus que l’océan Ni
musique
elle affaiblit l’âme hautbois
guitares
flûtes de
micocoulier
qui versent
dans l’oreille un miel plus amer
que le suc de
l’absinthe ni sur les planches
ces jeunes corps demi-nus qui se meuvent
en cadence mimant impudemment
les amants enfiévrés…
De la table
Un jour enfin tu te crois
sauvé gare
à la rechute pas d’oignon
surtout
je le dis non
par métaphore mais
en médecin chasse aussi de
ton ordinaire
gingembre épices
café
funestes
au corps frustré des plaisirs de l’amour
mais non la grande rue des jardins Ruta
graveolens L.
qui rend la vue meilleure
je veux dire de
l’esprit ou la belladone
qui goulûment est poison
comme l’amour
et
chichement remède quant
aux dons
de la cave il y faudrait un long
traité
bannis surtout les vins de
lave un sang noir
qui échauffe la chair et met en mouvement
tous les
fluides cachés sinon
à suffoquer l’âme en grandes libations
et étouffer l’amour sous
l’excès à présent
j’en ai
fini rendez-moi grâces
amants affligés si je vous ai
guéris moi
qui ne sais pas me consoler
…
Haut de page |