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Le montreur d'images

(Saint-Germain-des-prés, 1978)
 

Ce premier livre avouable, Le montreur d'images, est composé de 3 parties sans liens. Praha évoque Prague et la guerre, qui reviendront plus tard dans Alecto ! Les deux autres parties, qui mêlent étrangement lyrisme et réminiscences de l'Histoire, me sont aujourd'hui en partie opaques. Je relis, je me retiens de corriger. Cette hantise de l'époque, craindre la clarté...



Extraits

   


Praha



les morts ont gardé les mœurs de ces années
chaque dresse sa pierre ornée et bientôt
recouverte leur peu de terre domestique
étouffe la mémoire de leurs pères

dans cette ville errante où la légende infuse
un photographe règle le diaphragme en rêvant
de pogroms entre les herbes géantes s'enfoncent
les enfants


*


Melantrichovy ulice           vieille femme réchappée des laves           un cabat de cendres et de poupées           son visage fendu rit noir

un banc de square situé dans l'ancienne judée, où elle parlera jusqu'à la nuit, de l'amour

bribes de sainteté           hommages           à la mort


scénarios incohérents           (la sciure du drame tombe des lèvres)


*


Tous ces rois faisandent dans ta mémoire d'or

endormie dans cette aube où boivent les tankistes

la langue sur un pavot tu rêves encore


*


J'ai régné dans des cafés aux noms de France
d'où les poètes louchent sur l'Histoire
celui-là quand la famine consumait le blé noir
s'effraya au milieu des agates à voir
son visage minéral
cette fascination est à la mémoire même



Galanteries


La chair deviendra souffle


à minuit les colombes chantaient

leur douleur
immobile sur les jardins
et la terre amnésique

tu dors comme
une lampe sourde
je suis

de nulle part



Midi revient encore


à l'été débordant, aux âmes relâchées,
aux roses noires dans les eaux maternelles,
au règne fièvreux de vos lèvres ladies,
à toi restée toute douleur, toute mémoire,

aux siècles de nuages, au recueillement,
aux comptoirs luisant du désespoir un soir,
aux vulpins où les amants suffoquent,

dans la chambre sous l'orage
un livre dispersé de ton visage
aux ceintures défaites à ce sang
dans une légende jamais écrite
tes seins pris dans l'orage
aux musiques profondes

nuit sous la bougie plus blanche de ton corps



Seismes


10.


les poupées perdent – leurs yeux blancs – dans des chambres ouvertes – leurs robes maculées – un ciel étroit – pris dans l'étoffe – bat – comme un cancer – le lit de fer – les jambes sanglantes – ou c'est un spasme, une mémoire – son ventre noir – l'enfance est terrible – bouge encore sur ce lit – corps enseveli – sous cette neige chaude – cette douleur de lui – étoile brûlée – dans un rideau d'années – pâles, cérémonies – tes paupières maintenant – creuses où la nuit – qui se vide – ton ventre contre – l'éternité docile – tout sombre doucement – comme le sel noir – de sa bouche – le ciel étroit – pris sous le drap – bat –



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