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Europe n°1043

La grand mangement
(Obsidiane, mai 201_)

Canard au sang

Soit un canard gros et gras de Barbarie
Saignez-le vous-même entre les genoux
Une lame longue et mince à la carotide
Et un grand bol de ménage ces volailles
Ont plus de sang que d’esprit serrez-le bien
Qu’il ne s’envole pas le couteau dans la gorge
Plumez à volonté pendant qu’il est chaud
Tirez le foie la moelle battez le sang
Deux fourchettes dos à dos comme Yseut
Et Tristan sur leur lit de feuillages
Jusqu’à ce qu’il mousse abondamment
Et exhale l’âme dont il était gorgé
Le reste n’est rien travail de femme
Mais servez-le vous-même       à la Frédéric1


Pour l’accompagner, Gigondas, Cahors, Nero d’Avola, tout vin noir convient ; mais éviter le Sangre de Toro – pléonasme.

   Frédéric Delair, maître d’hôtel de La Tour d’Argent, découpait le canard puis extrayait le jus de la carcasse à la presse, selon un strict rituel, le tout en redingote devant ses clients.


                          Gérard Cartier, mai 2018



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